PresseYVES REGNERY
Conseiller au Cabinet d’André Malraux,
Sous-préfet,
Directeur de la DRAC (Nord) Lille
1989
« Voici l’homme emprisonné, blessé, violenté, aliéné, livré à son destin ; l’homme aux prises avec lui-même aussi, quand il est son propre carcan, enveloppé dans son habit de superbe.
C’est tout cela qui s’agite ou se déchaîne dans la jungle de nos « sociétés de progrès », ou dans la jungle sournoise de nos puits d’inconscient, c’est tout cela qui affleure notre conscience devant les sculptures de Braunstein, si nous soutenons fermement notre regard.
Selon la pensée du philosophe hindou Krishma Murti, il ne faut pas refuser de voir, mais rester en face de sa souffrance, pour que naisse l’énergie de l’esprit, la force capable d’exorciser le poison. Et dans ce face-à-face, l’œuvre de Jacques Braunstein ne nous laisse pas orphelins ; elle porte des signes,
elle est animée de symboles en relation avec les aspects mystérieux de la création ou du destin.
Dans les temps de détresse « on n’arrête pas de marcher sous les branches, en ne voyant que l’envers des feuilles, mais un chant nous dit qu’il faut poursuivre… » (Jaqueline KELLER dans « un amour infini »).
Dans l’ordre des symboles, l’enfermement prépare l’envol ; la graine est une attente pour la germination. Les bandelettes de la momie, comme la tombe d’aujourd’hui, ouvrent le temps du voyage initiatique vers une nouvelle naissance. La clôture des moines (et parfois la prison elle-même) ferme l’espace de recueillement pour l’essor de l’esprit…
Et n’est-ce pas à l’heure de la plus grande détresse, dans le silence qu’accompagne l’épouvante, que l’espérance d’une issue se lève dans la nuit de l’emmuré ?
Mais il y a des crimes qui sont la perversion de l’être. Comment les Juifs pourraient-ils oublier la Shoah, comment les Japonais Hiroshima ? sans se sentir complices de l’intolérable.
Et c’est à cet impardonnable, où sont broyées et souillées, elles-mêmes, les fleurs limpides de la création, que nous confronte l’œuvre de Jacques Braunstein.
Voici l’homme écrasé, injurié, aliéné. Et voici l’homme, le crucifié, livré à l’opprobre de toutes les horreurs, écrasé sous l’avalanche hideuse dans la nuit des temps.
Le crucifié en agonie avec tous ceux qui connurent l’abîme ; le scandale de la violence inique, pour que soit révélé un autre destin, pour que naisse l’espérance d’une décisive libération de l’esprit et du cœur.
La communion avec toute souffrance et toute agonie, comme réponse à l’impardonnable ? »