1980

1,20X2,77 m

Sous la forme de momies à échelle réduite je représentais, dans mon oeuvre « Convoi 37 », 99 hommes et femmes extrapolés de la liste de Serge Klarsfeld. Mes momies sont constituées d’une poupée banale en matière plastique, entourée de bandelettes de lin noir, puis ficelée par des cordelettes. Ces cordelettes de coton qui comportent des noeuds tissés de mes mains par milliers et qui symboliquement peuvent être assimilées à des objets de dévotion m’ont été inspirées par le « quipu » un système de comptage dans la civilisation Inca.

Chaque momie repose partiellement sur un coffret individuel gainé de tissu noir, tel un sarcophage sans couvercle, le haut du corps et la tête relevés, comme pour interpeller le spectateur, comme pour échapper à l’ensevelissement. Mon œuvre « Convoi 37 » présente des alignements de 11 momies répétés 9 fois réparties en 3 panneaux superposés. Ainsi se présentent au spectateur 99 des déportés de la Liste, avec leur nom, date et lieu de naissance, dont la quasi-totalité a succombé dans le camp de concentration.
L’oeuvre offrant un aspect pouvant évoquer les « tzompantli » de la civilisation Aztèque.
J’ai situé mon père, Itic Braunstein en 33ème position, le nombre 33 étant considéré selon la numérologie comme : Le Maître Nombre !

C’est ce nombre 33 qui m’a servi de module pour établir cette oeuvre dans sa totalité.

Une anecdote étrange à propos de la réalisation du triptyque « Convoi 37 » présentant nominativement 99 victimes de la Shoah.

J’avais préparé une étiquette se référant à mon père Itic Braunstein et en recherchant le positionnement exact avant son encollage, je vis une coccinelle posée sur l’emplacement précis. Je chassais l’insecte et déposais la colle sur l’étiquette. La coccinelle était de nouveau à la même place au moment du collage. Je l’éloignais encore en soufflant.
Enfants, nous appelions la coccinelle : la « Bête à Bon Dieu » !

Le soir, couché dans mon lit prêt à lire avant le sommeil, la lampe de chevet allumée, une énorme mouche noire tournoyait autour de l’abat-jour avec un vrombissement assez sonore pour perturber ma lecture. Je dus employer des moyens agressifs pour la chasser mais elle revenait sans cesse.

J’ai imaginé une relation entre l’événement causé par la coccinelle et celui produit par l’énorme mouche.

Nota :

La légende de la Bête à Bon Dieu subsiste depuis le XXe siècle. Une coccinelle se serait posée sur le cou d’un condamné au moment où le bourreau devait le lui trancher. Le condamné eut la vie sauve.

Quant à la grosse mouche noire, elle est associée à la dégradation des cadavres. Au plan symbolique, elle est la représentation malfaisante de Belzebuth, Prince des Démons (Baal Zebûd en hébreu, soit le Seigneur des Mouches). Elle fut une des dix Plaies de l’Egypte antique !

Nous voici revenu à l’incompatibilité de la foi juive, de l’hommage aux victimes de la Shoah et du Nazisme destructeur.